Jeudi 25 avril 2024
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Portrait Michel BOUREL (CAVAVIN)

Michel Bourel (Cavavin) : « Mettre en valeur les boutiques de vin avec les méthodes employées en parfumerie »

 

 

 

Créateur d’un réseau spécialisé dans la distribution du vin en 1985, Michel Bourel, un autodidacte, a toujours cherché à adapter son concept aux désirs du consommateur, anticipant les virages pris par son marché.

Avec, en point de mire, l’image d’exception des grandes marques de la parfumerie, dont le côté mystique et classe apporté par les grands crus de châteaux.

140 kilomètres aller-retour, pendant 17 ans

Si la majorité des cavistes ont coutume d’adopter un regard d’épicurien sur leur métier, Michel Bourel, fondateur et président de l’enseigne Cavavin, a avant tout appréhendé le vin comme un marché. Avec la volonté d’élever ce produit au niveau de considération des grandes références de la parfumerie.

Dès la création de son premier point de vente, en février 1985, il a même déjà en tête l’idée de créer une chaîne de boutiques de cavistes, à une époque où la franchise restait un système d’affaires naissant, en quête de reconnaissance auprès des consommateurs comme des candidats entrepreneurs.

« Mon beau-père, ancien boulanger, avait eu envie de monter un petit magasin de vin à Redon. J’avais alors étudié le business plan : les marges pour le commerçant étaient faibles, au contraire de celles perçues par les intermédiaires du métier. A 39 ans, j’ai profité de mon départ négocié d’un poste responsable de l’administration des ventes et de l’informatique chez un célèbre fabricant de briquet pour créer mon entreprise.
Avec 130 000 francs[1] en poche, j’ai testé mon concept sous la bannière Les caves Michel Bourel à La Baule, car cette station balnéaire offrait une forte mixité de population et peu de concurrence sur le secteur du vin. Pendant 17 ans, j’ai fait les 140 kilomètres aller-retour entre La Baule et Redon, où j’habitais. Je n’ai pris mes premières vacances qu’après cinq ans, dans un hôtel de Noirmoutier où je suis récemment retourné… comme en pèlerinage !», se souvient Michel Bourel.

[1] 20 000 euros

Le vin, un marché insolite

Six mois plus tard, cet autodidacte pose les premiers jalons de son enseigne. Il ambitionne de fédérer les cavistes indépendants du Grand Ouest et en réunit 80 à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Rennes le 21 octobre 1985.

« C’était alors un doux rêve, même si j’y croyais dur comme fer ! A ce moment-là, indépendant rimait avec solitaire. Les cavistes n’adhéraient pas à la philosophie d’une centrale d’achats pour mutualiser les coûts. Ils étaient des passionnés professionnels qui ne savaient pas toujours comment gagner décemment leur vie. Leur division était savamment entretenue par les représentants multicartes de propriétés, qui leur proposaient en exclusivité certaines cuvées. C’était un marché insolite, où les viticulteurs s’enrichissaient et la distribution avait du mal à s’en tirer, ce qui était l’inverse sur tous les autres marchés !», explique Michel Bourel.

Autour d’une poignée de cavistes, le réseau Cavavin naît tout de même sous la forme du commerce associé, inspirée par un ami de Michel Bourel. Il se développera encore longtemps de façon artisanale, sans véritable stratégie de recrutement d’adhérents au réseau. Il se limitera essentiellement à la région Grand Ouest durant presqu’une dizaine d’années.

« On observe alors toujours un manque de reconnaissance du réseau de la part des fournisseurs, ainsi que des adhérents qui nous rejoignent davantage par intérêt personnel que par esprit communautaire et dont le suivi des règles reste aléatoire. On part toujours la fleur au fusil dans ce type d’entreprises, mais il faut du temps pour valoriser les idées », souligne le fondateur du Cavavin.

La franchise pour se structurer

Fin 1993, Michel Bourel comprend la nécessité de s’organiser et de se structurer à travers le système de franchise (cf. encadré « Le jour où »).

« La première décennie d’existence nous a permis d’établir tout ce qui ne fonctionnait pas auprès du consommateur. L’expérience nous aide à écrire l’histoire en faisant moins d’erreurs. La franchise allait nous permettre de formaliser notre savoir-faire, comme la promotion des produits, et de faciliter sa mise en œuvre, notamment à travers l’animation dans les points de vente », affirme Michel Bourel, devenu alors 75% propriétaire du capital du réseau avec un associé, Gérard Perais.

Le réseau Cavavin prend alors son essor, en continuant de dépoussiérer le métier de caviste selon les principes du fondateur.

« Si je me suis lancé dans le vin, et si je suis toujours présent à 65 ans sur ce marché, c’est que je suis persuadé que le marché devait adopter un grand virage et ne jamais interrompre sa mutation.
Dès mes débuts, j’ai toujours voulu donner au vin l’image d’exception des grandes marques de la parfumerie, un côté mystique et classe apporté par les grands crus de châteaux et qu’il fallait mettre en valeur dans les boutiques avec les méthodes employées en parfumerie. Chez les cavistes, dans une majorité des cas, les bouteilles restent encore cachées derrière le comptoir et les vitrines n’incitent pas le client à entrer. De plus, le client a besoin de flâner dans les rayons, d’aller à la découverte des produits et d’obtenir des renseignements pertinents. La consommation du vin chez les cavistes ne représentent que 7% du marché et dispose d’un beau potentiel de développement, notamment à travers les réseaux sous enseigne », rappelle Michel Bourel.

Sa conception du métier s’est d’ailleurs concrétisée dans le nouveau concept architectural de l’enseigne, inauguré en janvier dernier à Paris (17e arrondissement). Cette boutique-pilote propose un plafond vitré, ainsi qu’une décoration murale et de nombreux présentoirs suivant le rythme des saisons, permettant une plus grande rotation des quelques 900 références du point de vente.
Le nouveau format, réalisé en collaboration avec un architecte-designer, sera dupliqué dans les prochains mois dans l’ensemble du réseau.

Valoriser sa différence

Dès le début des années 2000, Michel Bourel a commencé à s’entourer de spécialistes pour faire évoluer son concept : expert-comptable, avocat, consultant en franchise…

« Il fallait valoriser notre différence, et ces spécialistes nous ont fait gagner beaucoup de temps pour faire connaître et appliquer notre savoir-faire, et raisonner sur le long terme. J’ai notamment compris qu’au niveau des médias, nous n’étions pas suffisamment actifs. Tout réseau a besoin de sentir que son enseigne est reconnue et leader dans son domaine », assure-t-il.

En 2002, Michel Bourel reçoit, à titre personnel, une reconnaissance régionale. Il représente le grand ouest de la France et est distingué au « concours national des autodidactes » patronné par les anciens d’Harvard. Un prix remis par François Lenglet, devenu un journaliste-vedette par la qualité de ses interventions lors de la dernière campagne présidentielle.

« Cela m’a donné confiance. Pour un autodidacte, le rêve de la création d’entreprise ne reste souvent qu’un rêve », avoue Michel Bourel.

Adhérer à la FFF pour faire évoluer son concept

Cinq ans plus tard, le fondateur de Cavavin entre au conseil d’administration de la Fédération Française de la Franchise (FFF).

« Aujourd’hui, un réseau de franchise se doit d’adhérer à la FFF pour faire évoluer son concept. Cette fédération offre une plate-forme d’échanges au franchiseur, à travers notamment des rencontres avec ses pairs ou l’apport de connaissances liées à notre métier si particulier. La franchise a énormément évolué au cours des dix dernières années, et à tous les niveaux : marketing, communication, achats… Internet est en train de bouleverser le commerce. Dans les prochaines années, tout réseau devra avoir construit une synergie entre le canal des magasins physiques et celui des ventes en ligne », soutient Michel Bourel.

Cavavin compte aujourd’hui 135 points de vente en France et une puissante centrale d’achats (1800 références, jusqu’à 1,5 millions de bouteilles stockées).

Le jour où… une bande de copains est devenue un réseau structuré.

« Le pire moment de ma carrière professionnelle a été le jour où il a fallu faire comprendre à une bande de copains, qui se fédéraient autour d’une même conception du métier de cavistes, qu’il était nécessaire, pour dynamiser et pérenniser nos affaires, de se structurer comme un véritable réseau.

En novembre 1993, je venais de prendre la présidence de Cavavin. J’ai donc convoqué l’ensemble des adhérents des 49 points de vente Cavavin dans un restaurant à Saint-Nazaire pour une réunion d’information, comme on faisait alors habituellement. Je n’avais d’ailleurs commandé des plats que pour la moitié des convives… Je pressentais que la volonté de passer de centrale de référencement à centrale d’achats, avec une recomposition de la gamme des produits pour répondre à l’évolution du marché, allaient provoquer des scissions et de nombreux départs. Voire l’explosion du réseau.
D’autant qu’elle s’accompagnait de la transition du commerce associé à la franchise, avec un seul maître à bord du réseau, le franchiseur, en l’occurrence moi-même. Le débat a démarré de manière vive, mais l’idée qu’il fallait respecter des règles et ainsi le réseau pour respecter la bande de copains du monde est finalement bien passée. Ce qui a mis trois ans à se traduire dans des contrats entre franchiseur et franchisés. Comme tout le monde était resté pour le repas après la réunion, on s’est finalement partagé les plats. »

Michel Bourel en 5 grandes dates

  • 1985 : Fondation du réseau Cavavin
  • 1996 : Passage du commerce associé en franchise pour Cavavin
  • 1998 : Construction de la plate-forme de la centrale d’achat de Cavavin, qui a donné sa véritable autonomie au réseau
  • 2002 : Prix du meilleur autodidacte, patronné par des anciens d’Harvard
  • 2007 : Entrée conseil d’administration de la Fédération Française de la Franchise

Fiche Technique

CAVAVIN

  • Président-fondateur : Michel Bourel
  • Création de l’entreprise : 1985
  • Lancement en franchise : 1996
  • Réseau : 135 points de vente en franchise, 3 en succursales
  • Siège : 18 avenue du Marché à La Baule (44)


François SIMONESCHI
Rédacteur en chef La Référence Franchise
Auteur du « Guide complet de la franchise 2012 » (éditions L’Express)