Laurence Pottier-Caudron (Temporis)
Après des expériences commerciales réussies dans de grandes entreprises (Danone, La Redoute, Adecco), Laurence Pottier-Caudron crée sa propre entité dans le travail temporaire. En imaginant dès le début un développement en franchise.
Enseignement très pragmatique
Dans une carrière, on observe fréquemment des cycles, de durée variable selon les individus mais d’une taille presque constante pour une même personne. Pour Laurence Pottier-Caudron, des changements professionnels majeurs sont intervenus tous les trois ans, pour passer d’une formation commerciale à la création du seul réseau de franchise dans le secteur du travail temporaire d’envergure nationale.
« Bac+2, c’était à mon sens le niveau d’études minimum pour obtenir des responsabilités dans une entreprise. Le domaine commercial permet de construire sa carrière en s’appuyant sur sa personnalité. De plus, j’avais rapidement envie d’être opérationnelle au quotidien. J’ai donc mené des études commerciales correspondant aujourd’hui au bachelor de l’ESC de Rouen. Tous mes professeurs exerçaient leur activité en tant qu’entrepreneurs ou en activité libérale. D’où un enseignement très pragmatique avec des personnes qui avaient vécu ce qu’ils affirmaient. Cet environnement me convenait tout particulièrement.
J’ai organisé en équipe le premier gala de cette école que je souhaitais faire connaitre. Pour cela, j’ai négocié une avance de 10 000 francs avec le directeur, pour une opération qui au final, s’est retrouvée excédentaire grâce à de la vente d’espaces publicitaires et de bouteilles de champagne ! J’ai drivé les répétitions de l’évènement alors qu’aucune hiérarchie n’avait été prédéfinie entre étudiants, étant régulièrement appelée pour résoudre les problèmes. Ce qui m’a fait prendre conscience d’une certaine autorité naturelle…», remarque Laurence Pottier-Caudron, fondatrice-gérante du réseau d’agences de travail temporaire Temporis.
Le regard des autres
Au terme de ses études, j’ai été embauchée par Gervais-Danone, qui m’avait accueillie en stage.
« A Dunkerque, à 20 ans, j’ai remplacé un homme expérimenté, parti à la retraite, à un poste de chef de secteur. Ma mission consistait à améliorer le référencement et donc, la part de marché des produits Danone dans le rayon ultra-frais des surfaces alimentaires. La grande distribution est un secteur formateur.
Cette expérience professionnelle, poursuivie à Rouen, m’a appris à naviguer dans un univers où finalement on pouvait réussir en étant atypique dans une grande entreprise. J’étais d’ailleurs la seule femme parmi 15 commerciaux. La clé de ma réussite a été et est restée, je crois, l’humilité dans le relationnel. C’est aussi là que j’ai commencé à transmettre mon savoir-faire, en formant une nouvelle arrivée, ce qui était logiquement le rôle de mon hiérarchique, mais qui me plaisait tout particulièrement. Je me suis ainsi aperçue que je pouvais emmener des gens. C’est toujours dans le regard des autres qu’on prend conscience de la réalité des choses », se rappelle Laurence Pottier-Caudron.
Un profil évolutif
Laurence Pottier-Change change d’employeur suite à la mutation de son mari et intègre La Redoute à Rouen.
« A 24 ans, je prends la direction d’une vingtaine de personnes, dans un centre classé parmi les cinq derniers de France sur 85 structures sur trois critères majeurs, dont la productivité, la vente et le service clients. Le pari n’était pas gagné… J’ai à nouveau fonctionné selon mes propres convictions, qui n’étaient pas forcément en phase avec les directives reçues de mon supérieur, mais qui me semblaient évidentes. Primes de productivité pour mon équipe qui ne les avait jamais connues, réaménagement de notre organisation… j’ai démontré qu’on pouvait associer efficacité, rentabilité et qualité de services. Mes plus belles satisfactions ont été la présence de mon équipe au complet un dimanche lors d’une manifestation organisée par La Redoute et les cadeaux reçus lors de mon départ : un téléphone pour les appeler, un stylo pour leur écrire et du bon vin parce j’aimais ça ! Mon équipe m’a fait prendre conscience du chemin parcouru, c’est elle qui m’a révélée mes possibilités. Elle avait confiance en mon avenir… alors pourquoi douter ? Notre centre figurait alors parmi les cinq premiers de La Redoute », indique Laurence Pottier-Caudron.
En 1994, nouvelle mutation de son mari sur Brive, et nouveau challenge.
« En cherchant un poste dans une entreprise avec correspondant à mes aspirations, je postule à un poste de directrice d’agence Central Intérim , réseau d’intérim acheté par le groupe Adecco, qui deviendra Adia puis Adecco. Ayant été utilisatrice de prestation d’intérim à La Redoute, j’aimais la double compétence management-commercial inhérente à ce secteur. Mon entretien d’embauche a lieu avec le directeur général et Pierre Moritel… mon futur associé dans la structure franchiseur, qui gère le réseau de Temporis. On me confie l’agence de Brive, qui perdait de l’argent depuis sa création, une année et demie plus tôt. Sans véritable budget de la part de mon employeur, compte tenu du récent contexte de crise, j’ai refait les travaux pour remettre à neuf le local avec l’aide d’un intérimaire, changé l’agencement et une partie du mobilier afin de créer un espace d’accueil convivial pour les intérimaires. En trois ans, nous sommes devenus la meilleure rentabilité du Sud-Ouest.
J’ai choisi cette fois de ne pas suivre une nouvelle mutation de mon mari, mais de prendre en charge la zone Midi Pyrénées / Corrèze. A cette occasion un poste nouveau fut créé : directrice de secteur, devenu aujourd’hui directeur régional. J’ai persuadé mon entreprise de le faire pour ne pas perdre, au profit de la concurrence, des profils tels que le mien. J’ai ainsi travaillé en complémentarité avec Pierre - dont j’ai fini par partager la vie privée -, en fonction de nos domaines de prédilection réciproques …», explique Laurence Pottier-Caudron.
Visite à Franchise Expo Paris peu après ses débuts professionnels
En 1999, Adia connaît une phase de réorganisation de trop pour Laurence Pottier-Caudron.
« Les 35 heures ont eu une conséquence désastreuse dans la profession : la taylorisation. A chacun ses tâches et haro sur la performance collective ! Un non-sens dans ce métier et peu de voix pour le dire… Il était devenu évident que la politique primait sur la performance. Je désirai depuis toujours créer ma propre structure. J’avais d’ailleurs visité le salon national de la franchise peu après mes débuts professionnels. Un an après ma prise de fonction à Brive, je me suis demandé pourquoi le travail temporaire n’existait pas en franchise. Une discussion avec un client, lui-même devenu entrepreneur par la suite, m’a fait verbaliser que je n’avais pas, à terme, de perspectives correspondant à mes réelles aspirations et que l’entrepreneuriat était ma vocation réelle. A travers ce portrait, je prends conscience que je fonctionne par cycle de trois ans : une première année d’analyse de la situation et de mise en place de nouveaux procédés, une deuxième pour vérifier l’adéquation de ma solution et récolter les fruits de mon travail, et une troisième où je constate que ce que j’ai créé ou recréé peut fonctionner sans moi, ce qui me projette vers un nouveau challenge. J’ai conservé ce cycle de trois ans par la suite, parfois rallongé en raison de la crise économique.
Tout au long de ma carrière, un projet m’a reposé d’un autre projet. D’une manière générale, j’aime construire, comme ma mère, qui avait un commerce de campagne, avant d’investir dans l’immobilier et de faire bâtir une nouvelle maison… à 60 ans. Elle m’a alors fait remarquer, presque étonnée, que les banquiers commencent à « tiquer » en matière de prêt ! Je me dis quelquefois que si je suis à l’aise dans le relationnel, c’est peut-être aussi parce que j’ai rencontré durant mon enfance des gens très différents dans le « café-tabac-épicerie-restaurant-pompe à essence-cabine téléphonique » de ma mère », se souvient Laurence Pottier-Caudron.
Dans l’attente d’un temps meilleur
En 2000, Laurence Pottier-Caudron et Pierre Moritel négocient leur départ, sans savoir exactement ce qu’ils allaient entreprendre par la suite, persuadés que leurs clauses de non-concurrence seraient maintenues. Laurence n’est pas concernée et a l’idée de lancer le premier réseau d’intérim sous forme de franchise. Une rencontre avec Charles Seroude, que Pierre avait connu au début de sa carrière professionnelle, sera déterminante dans cette décision.
Bien que ce consultant en management des réseaux lui indique qu’en franchise, on ne s’installe pas aisément dans un marché majoritairement détenu par des Majors comme le travail temporaire, il trouve le projet intéressant.
« Temporis 19 à Brive sera donc la première agence de travail temporaire, « l’appartement-témoin » de notre futur réseau. Il fallait alors veiller à ce que chaque élément soit reproductible. Par exemple, en choisissant des fournisseurs implantés du territoire national. Nous travaillons aussi sur une marque, avec un nom porteur et significatif, un logo et une charte graphique. Après un sondage effectué sur les trottoirs de Toulouse, nous nous déterminons pour Temporis, terme courant dans notre profession où les intérimaires sont « payés au prorata Temporis de leur temps de travail » et issu du verbe « temporiser », dont le sens est « dans l’attente d’un temps meilleur », c’est-à-dire un contrat à durée indéterminée.... Notre base line d’origine « L’intérim nouvelle génération », deviendra « L’emploi nouvelle génération » avec l’ouverture au placement en 2005, mais elle est choisie dans l’optique d’une remise en cause permanente. S’entourer d’un conseil, Charles Seroude, dès la création d’un concept est alors rare.
C’était une bonne idée, qui nous a bien plus rapporté que coûté. Charles Seroude m’a enseigné une chose essentielle : en franchise, les conséquences de toute décision sont démultipliées par le nombre de franchisés, en bien ou en mal ; d’où la nécessité de bien peser chacune d’entre elles. La réussite immédiate de l’unité-pilote, avec 22 millions de francs de chiffre d’affaires réalisés contre 11 millions attendus dans le business plan, a accéléré le lancement du réseau en franchise. Antoine Darrieu[1] est devenu notre premier franchisé à Tarbes en 2001. On l’a aidé à finaliser son agence, et même si toute ouverture me procure une émotion importante, cette première duplication concrète de son savoir-faire avec une personne qui place sa confiance en vous et porte vos couleurs gardera toujours une saveur particulière », poursuit Laurence Pottier-Caudron.
Pouvoir communiquer avec ses pairs
A partir de 2001, Temporis va connaître une croissance régulière en termes de nombre de points de vente, pour atteindre les 85 agences en 2013.
« Le métier de franchiseur évolue en fonction de la taille du réseau. Jusqu’à vingt unités, il faut montrer de la polyvalence, avec beaucoup d’opérationnel à réaliser au quotidien. Il faut savoir faire respecter les règles du jeu dès le début et, le cas échéant, sanctionner, même si c’est difficile au démarrage. De 20 à 50 agences, on structure les services à destination des franchisés, on embauche des animateurs. Cela permet de juguler le recrutement de nouveaux franchisés et l’animation afin d’éviter que les franchisés aient le sentiment que nous privilégions le développement… Lors de la fête pour la 50e agence, nous avons invité les franchisés et les permanents salariés du réseau, ce qui m’a permis de mesurer l’ampleur de ce que j’avais construit. Après de cent unités, le franchiseur délègue des fonctions importantes, en créant notamment un poste de responsable de réseau.
Il s’agit alors de répondre aux demandes émergentes des franchisés les plus anciens. Par exemple, un accompagnement renforcé dans la formation au management de leurs équipes. J’ai créé un comité de suggestion afin d’échanger avec des franchisés qui se sont inscrits dans la durée dans le réseau. Ceux-ci sont ainsi capables de donner un avis en faisant la part des choses entre l’intérêt des franchisés et ceux du franchiseur.
En franchise, on ne s’ennuie jamais. Il faut constamment évoluer, et un mauvais choix peut parfois remettre en cause l’existence même du réseau. A la différence du succursalisme, où le poids de la hiérarchie conduit à la langue de bois, on est obligés de progresser plus vite. On a affaire à des indépendants, tout autant issus du travail temporaire que néophytes dans le secteur, une mixité enrichissante pour le réseau et qui prouve notre vraie capacité à transférer un savoir-faire.
Nos franchisés ont une activité socialement valorisante – premier emploi, réintégration dans le marché du travail après une maternité, complément de retraite pour un senior… - et économiquement performante. C’est très gratifiant d’être à la tête d’un tel réseau de franchise, et j’en suis très fière. J’ai récemment intégré un club d’entrepreneurs, car je souhaitais disposer ce que j’offre à mes franchisés : pouvoir communiquer avec ses pairs, même si dans mon cas, il ne pratique pas exactement la même activité que moi. Avec ma curiosité d’apprendre, j’étais aussi en recherche de ressources personnelles, n’ayant plus reçu de formation depuis que j’étais salariée. C’est aussi un moment récréatif car pour une fois, je n’ai pas à être leader, peut me fondre au milieu des autres et ainsi prendre du recul sur mon quotidien.
Tout au long de mon parcours, il y a eu un fil conducteur : j’ai toujours eu besoin de croire en l’entreprise que je représentais et aux produits que je vendais. C’est le seul moyen de faire partager sa vision aux acteurs de son marché : salariés, clients, fournisseurs…. Ce besoin de cohérence, je le recommande aux candidats à notre franchise. Nous allons déménager en juin 2013 dans de nouveaux locaux, plus adaptés à ce que Temporis est devenu. Cela apportera un souffle nouveau au réseau. Dans les prochaines années, je voudrai finaliser la constitution d’une équipe opérationnelle rapprochée, pour lui confier la gestion des événements récurrents et me consacrer aux exceptions ainsi qu’à la stratégie et à l’innovation de mon enseigne », relève Laurence Pottier-Caudron.
François Simoneschi, rédacteur en chef de La Référence Franchise
Laurence Pottier-Caudron en 5 dates
Fiche technique
[1] Il est toujours franchisé du réseau