Vendredi 13 décembre 2024
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Commerce en gare (3/4) – F-L. Simon (Simon & Associés) : « Veiller aux engagements d’exclusivité consentis dans les contrats de distribution »


Co-fondateur du cabinet Simon & Associés, François-Luc Simon détaille la procédure pour pouvoir s’implanter en gare, les avantages et les exigences du statut juridique inhérents à ce lieu public (dépendant du code général de la propriété des personnes publiques) et l’écueil majeur à éviter pour les enseignes de franchise intéressées par un tel développement.

Pourquoi l’implantation de commerces en gare est régie par des appels d’offre et comment se déroulent-ils ?

Le commerce en gare touche à l’occupation du domaine public, et donc à un principe sous-jacent d’égalité des chances pour les postulants. Un projet d’implantation est ainsi généralement soumis à un appel d’offres, notamment pour les grandes gares et pour les secteurs extrêmement concurrentiels comme la restauration.

Un appel d’offre commence par la publication d’un avis, le plus souvent par voie de presse, mais également sur le site Internet de la filiale en charge de la gestion des commerces en gare, A2C. Il est accompagné d’un règlement de consultation, qui comporte quatre types d’informations pour permettre à un commerçant ou une enseigne de construire son projet. D’abord, des détails sur l’emplacement comme la surface d’exploitation, du linéaire ou de la réserve, la configuration des lieux… Ensuite, le cadre juridique des conditions d’occupation, comme par exemple la durée du contrat, même si cet élément n’est pas une obligation. Le timing et le rétro-planning pour le dépôt de l’offre est aussi clairement indiqué.

Enfin, et c’est le plus important, A2C énonce les critères de notation pris en considération pour retenir un postulant. Par exemple, quelles sont la nature des prestations et services à assurer, et donc les adaptations à réaliser par une enseigne pour s’implanter en gare. Depuis quelques années, la SCNF cherche à restaurer l’image des commerces en gare, comme en témoigne certaines réalisations récentes de qualité, comme la gare Saint-Lazare de Paris. D’où une priorité accordée à la qualité du service rendu au consommateur, plutôt qu’aux revenus générés par le point de vente.

Quelles sont les contraintes juridiques pour le bénéficiaire d’un emplacement en gare ?

L’occupation du domaine public impose trois contraintes, issues d’un régime juridique spécifique, le code général de la propriété des personnes publiques. En premier lieu, le bénéficiaire est tenu d’occuper lui-même l’emplacement, de l’utiliser directement en son nom et sans discontinuité. L’occupation doit être personnelle et ne peut être céder ou sous-concédé à un tiers, même partiellement, sans l’accord d’A2C. Ce qui implique qu’une enseigne ne peut faire l’objet d’une fusion-absorption, voire d’un changement de clauses de l’actionnariat, et conserver le droit d’exploitation, au titre du caractère personnel d’incessibilité. Une disposition que l’on retrouve également dans les baux commerciaux classiques.

Deuxièmement, l’occupation est temporaire, délivrée pour une durée déterminée[1] tenant compte des investissements à amortir. Enfin, l’occupation est précaire et révocable. Le bénéficiaire ne peut se prévaloir ni d’un droit, ni d’indemnités pour un renouvellement car il ne possède pas la propriété commerciale sur l’emplacement. Son contrat, à son terme, sera remis en concurrence lors d’un appel d’offres ou d’une négociation de gré à gré. De plus, même si le cas est rarissime, l’occupation peut prendre fin, avec un préavis, pour un motif d’intérêt général ou ferroviaire, telle que le réaménagement d’une gare suite à la création d’une ligne TGV.

Quels sont les avantages de ce statut juridique ?

On observe quatre avantages remarquables inhérents à ce statut juridique, en particulier au plan économique : aucun fond de commerce n’est à financer, aucun droit d'entrée ne doit être payé, la redevance est calculée en pourcentage du chiffre d’affaires - une disposition souvent assortie d’un minimum garanti d’un montant raisonnable, d’où l’obligation de réaliser une étude de marché - et la durée du contrat est déterminée en amont, en fonction notamment des investissements à amortir.

Quels sont les écueils à éviter par les enseignes pour accéder à ce régime avantageux ?

L’enseigne devra veiller à n’avoir consenti aucun engagement de nature à lui interdire d’exercer une activité dans l’emplacement situé en gare. En particulier, les engagements d’exclusivité consentis dans les contrats de distribution - franchise, commission-affiliation, concession, licence, etc. -, accords commerciaux - notamment avec les ensembliers -, cessions de fonds de commerce, baux commerciaux, ou joint venture. C’est la précaution d’usage qu’il convient de prendre pour permettre le développement de l’enseigne au moyen d’un commerce en gare, mais également dans les aéroports, le métro, le RER et les centres commerciaux, dont les flux de clientèles sont bien particuliers.

Propos recueillis par François Simoneschi, rédacteur en chef de La Référence Franchise

[1] 5 ans en moyenne


François-Luc SIMON