LDLC.com, leader de la vente de matériel high-tech sur Internet, lance un réseau de franchise pour compléter son offre de distribution au consommateur. Il est le premier pure player à s’appuyer sur la franchise pour poursuivre son développement. En cas de réussite de son projet, il sera assurément suivi dans cette voie par d’autres acteurs majeurs de l’e-commerce.
Conflits potentiels entre espace virtuel et exclusivité territoriale, déboires récents d’hyperstores dans le même secteur, risques de transmission d’une marque installée à un indépendant : Olivier de la Clergerie, directeur général et co-fondateur de LDLC, a répondu avec sincérité à toutes nos questions.
Pour quelles raisons LDLC.com, acteur pure player, a-t-il choisi de se lancer en franchise ?
Au démarrage de notre activité, on a tout de suite eu une vision du développement associant vente en ligne à un réseau de magasins physiques. Le site LDLC.com a ouvert le 1er juin 1997, et notre premier point de vente l’année suivante à Lyon, suivi d’une seconde unité à Paris en 2006. Nous avons d’emblée proposé un modèle économique avec des prix identiques sur les deux canaux de distribution.
N’avez-vous jamais craint une cannibalisation de l’offre physique par le vecteur Internet ?
On a rapidement constaté qu’il n’y avait pas de cannibalisation de l’offre, mais au contraire, une hausse du chiffre d’affaire dans les deux canaux. Le client ne cesse de changer, notamment sous l’impulsion d’évolutions technologiques. Le téléphone mobile, qui est en réalité un véritable ordinateur de poche, répond ainsi à un désir du consommateur : pouvoir commander des produits de manière plus étendue et variée.
La frontière entre e-commerce et commerce traditionnel s’en trouve atténuée. La différence demeure dans la valeur ajoutée de l’achat, dont les moyens sont clairement séparés : on reçoit son produit immédiatement en boutique, et l’on commande en ligne lorsque ce n’est pas lié à un besoin urgent. Aujourd’hui, le consommateur a toujours un ou deux temps d’avance sur les entreprises de commerce.
Qu’apporte la franchise à votre projet de distribution ?
Notre enjeu est de répondre à un besoin du consommateur le plus rapidement possible et dans de bonnes conditions, et la franchise nous apparaît comme le moyen idéal pour le réaliser. Nous sommes d’ailleurs accompagnés par un cabinet reconnu et expérimenté dans le domaine, Franchise Management, pour ce développement.
N’y a-t-il pas de conflit de territoire entre le lieu physique et la puissance virtuelle du réseau Internet ?
Le franchisé LDLC.com ne doit pas considérer la vente en ligne comme un concurrent vendant sur son propre territoire. Dans nos magasins existants, nous avons constaté sur le long terme, c’est-à-dire depuis quatorze ans pour le point de vente de Lyon, une amélioration du taux de pénétration des consommateurs sur le Web comme en boutique, en termes de chiffres d’affaire par habitant.
Même chose à Paris, sur un plus court terme… de d’une durée de six années tout de même, et avec un emplacement situé dans un endroit pas du tout passant. Cette seconde unité a réalisé 6 millions de chiffres d’affaire lors de son dernier bilan.
Est-ce alors une opportunité pour le franchisé que sa zone de chalandise soit couverte par la vente virtuelle ?
Le franchisé bénéficiera d’une communication globale, la publicité réalisée par le site web jouant en faveur de sa boutique. Le consommateur arbitrera ensuite en fonction de ses besoins, et les rôles de chaque canal de vente seront parfaitement répartis. Le franchisé sera ainsi notamment reconnu dans sa boutique à travers ses conseils, ou des prestations telles que le service après-vente.
Votre stratégie de développement en magasins physiques n’accompagne-t-elle pas le ralentissement de la vente en ligne, même si ce domaine reste extrêmement performant ?
Nous sommes certes dans un domaine où la fin de la croissance est déjà programmée et où nous approchons de la taille critique où l’on ne pourra plus croître, quels que soient les éléments extérieurs.
De plus, le high-tech a été l’un des premiers secteurs d’activité sur l’e-commerce. La croissance de son chiffre d’affaires annuel reste importante, de 9 à 13%, mais en deçà de celle du marché général, estimée à 24%. Nous sommes déjà dans une logique de prise de parts de marché. Nous en détenions 14% lors du dernier trimestre, contre 7% pour notre concurrent direct, rueducommerce.com.
En 1997, LDLC.com a saisi la lame de fonds de l’e-commerce pour devenir l’un des spécialistes de la vente du high-tech en France. Nous souhaitons saisir la prochaine lame de fonds, qui associera magasins physiques et e-commerce.
Faute de repreneurs, l’enseigne Surcouf vient d’être placée en liquidation judiciaire. Cela ne vous inquiète-t-il pas ?
L’enseigne Surcouf s’est développée sous forme d’hyperstores avec beaucoup de mètres linéaires, nécessitant un besoin en personnel important et de fortes charges fixes. Son modèle économique est devenu complexe face à celui de la vente en ligne, plus résilient, construit avec moins de moyens en termes de marges, de fonctionnement et de communication. LDLC a notamment appris à travailler de manière atomisée avec des coûts de logistique et de transport importants, et donc à répondre aux équations nouvelles du commerce.
Pour pérenniser notre offre physique, nous développerons des unités de franchise sur 150 à 300 mètres carrés, en visant des chiffres d’affaire de 10 millions d’euros. Nous ne nous lancerons pas dans la course au mètre carré pour répondre aux désirs du consommateur, mais feront du conseil un élément différenciant très fort, tout comme la proximité, la qualité des produits et le service après-vente.
Avec nos 15 ans de données, à la fois issues du site internet et de notre expérience en boutique, nous disposons d’outils puissants pour analyser le merchandising sur une plus faible surface de vente. De plus, l’offre varie selon la ville. A Paris, on constate que les ordinateurs portables se vendent plus facilement en raison de problème d’espace, car ils se rangent plus aisément et ne nécessitent pas de mobiliser une pièce comme les tours d’ordinateurs.
Comment va se dérouler votre développement en franchise ?
Le franchisé bénéficie des mêmes services que pour nos succursales, à l’exception d’aspects sociaux liés aux salariés du groupe. Nous recherchons des candidats entrepreneurs possédant une affinité avec l’informatique, pas une connaissance absolue du domaine, et qui seront amenés à communiquer avec le client et à gérer deux salariés au démarrage de l’activité. Les grandes villes sont visées. Nous espérons une couverture représentative du territoire français d’ici 5 ans, avec une quarantaine de points de vente franchisés.
Il faut noter qu’à travers ce développement, LDLC prend également le risque de transmettre sa marque à un indépendant. Aujourd’hui, toute information négative, même transmise sur l’unité d’une ville de taille moyenne, aura des répercussions durables, puisque les messages laissés sur les forums par les consommateurs demeurent accessibles pendant 4 à 5 ans et ont une portée nationale.
Lors d’un développement en franchise, les qualités humaines du franchiseur jouent un rôle déterminant. Comment avez-vous anticipé cet aspect ?
Tout d’abord, nous apportons au franchisé une histoire d’entreprise, et un positionnement sur un segment de notre métier : le client particulier. Face à la disparition incessante des acteurs locaux en informatique, nous proposerons aussi une force de frappe sans commune mesure pour un commerçant indépendant.
L’équipe de direction générale vient de s’étoffer d’une personne extérieure à la fratrie d’origine, ce qui est bien dans l’esprit du développement en franchise : sommes-nous capables d’intégrer quelqu’un venu de l’extérieur ? Oui, l’histoire s’écrit aujourd’hui à plusieurs ! Nous chercherons à être à l’écoute des bonnes pratiques, des réponses ingénieuses que les entrepreneurs franchisés trouveront aux problématiques rencontrées.
Tout le monde pressent que l’association entre un réseau de magasins physiques et la vente en ligne est la direction que prendra le commerce, sans en détenir la recette du succès. Nous compterons sur notre longue expérience de pure player et de notre unité-pilote – 14 ans – pour ouvrir cette nouvelle voie.
Propos recueillis par François Simoneschi, rédacteur en chef de La Référence Franchise