Jeudi 25 avril 2024
L’ENCYCLOPEDIE PRATIQUE DE LA FRANCHISE
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Hubert Bensoussan (Cabinet Bensoussan)

« L’implication des franchisés au sein des réseaux a largement contribué à la réussite de la franchise d’aujourd’hui »

Dès le début de sa spécialisation dans la défense des franchiseurs, Hubert Bensoussan a estimé que le système gère avant tout une relation humaine et que si le droit a sa place dans le monde de la franchise, la psychologie, le sens de l’intérêt commun, la loyauté et le respect de l’autre sont des facteurs essentiels à la réussite.

Le droit pénal, matière connaissant trop d’aléas

Au début des années 80, après une formation en droit des affaires, Hubert Bensoussan devient avocat avec une activité de droit pénal dominante.

« Le droit pénal m’intéressait parce que les paramètres humains y sont particulièrement développés. Toutefois, le succès d’une défense dépend de facteurs bien trop subjectifs. Par exemple, lorsqu’il n’y a pas d’argument de fond ou de procédure, la seule solution pour l’avocat en présence d’un client coupable, est de solliciter l’indulgence. Selon que le juge sera plus ou moins sensible, que l’affaire se plaidera plus ou moins au sud - on est plus indulgent à Marseille qu’à Caen car le nombre d’infractions y est tellement plus important… -, la sanction pourra aller du simple au double, voire de zéro à dix. Le sentiment d’impuissance, voire d’inutilité, peut être dur à vivre pour l’avocat. Ce contexte avec, à un mois d’intervalle, deux personnes incarcérés dont j’étais convaincu qu’elles étaient innocentes, m’a fait arrêter du jour au lendemain le droit pénal. Ce n’était sans doute pas la voie qui m’était destinée », se souvient Hubert Bensoussan

Négocier, c’est gagner

Alors installé à Château-Gontier dans la Mayenne, Hubert Bensoussan transmet ses dossiers en cours à un confrère, et se recentre vers une activité d’avocat généraliste, à dominante droit des affaires. Il rejoint promptement les bancs de la faculté pour acquérir des connaissances en droit européen des affaires, avec un nouveau diplôme universitaire à la clé.

« Dans la campagne mayennaise pourtant propice à l’application du droit rural, j’ai développé une clientèle d’entreprise ! Ce qui m’a alors frappé, c’est la carence de mes appris universitaires. En effet, pas un seul cours de stratégie ne m’a été dispensé. Or, dans sa pratique, le droit a une importance mineure dans un cadre pré-conflictuel, alors qu’à ce moment le rôle de l’avocat est majeur. J’ai ainsi rapidement milité pour la prévention des conflits. Il reste qu’en Mayenne, on fait vite le tour du droit des affaires, et c’est dans ce contexte, à mille lieues de la franchise et à 300 kilomètres de Paris, que j’ai instruis mon premier dossier d’activité en réseau. Il s’agissait d’un client local qui voulait franchiser une activité que je ne nommerais pas pour des raisons de confidentialité. Nous étions au milieu des années 80, la franchise était un domaine complexe et peu répandu. Le client était un jeune et brillant diplômé de 21 ans. En peu de temps, il a intégré en une dizaine de franchisés, acquis trois véhicules de sport et eu plusieurs compagnes. Après seulement deux ans, il a déposé son bilan en raison de ses dépenses pharaoniques, malgré une activité efficiente.

Environ dix-huit mois plus tard, un autre client local m’a présenté un franchiseur parisien. Un procès lourd s’annonçait. J’ai eu la chance d’obtenir un protocole de transaction satisfaisant pleinement le chef de réseau. C’était le pied à l’étrier. Le dossier suivant a concerné une dizaine de franchisés voulant faire sécession et menaçant le franchiseur des pires maux, invoquant une absence de savoir-faire, le leitmotiv de l’époque alors que la loi Doubin n’existait pas. Là encore, transaction satisfaisante. J’avais suggéré d’impliquer fortement dans la marche du réseau les deux franchisés chefs de file.
Ceux-ci me paraissaient intelligents et le conflit semblait né d’une absence de dialogue. Cela a été l’occasion de mettre en place les premières commissions de franchisés réfléchissant sur le savoir-faire. Le franchiseur concerné m’a indiqué par la suite que la stratégie était bonne. Il multipliait les commissions. Par ces instances de dialogue, les franchisés étaient valorisés et gagnaient en prime l’estime du chef du réseau et de leurs pairs. Le droit pénal m’avait en effet appris que l’échange avait un réel pouvoir d’aplanissement des problèmes.

Il est bon pour un avocat d’avoir le sentiment d’aplanir un conflit tout en remplissant efficacement ses obligations. Autant le droit pénal fut laborieux pour moi, autant ce nouveau droit des réseaux me parut presque un jeu tant je m’y sentais à mon aise.

La jurisprudence qui commençait à devenir abondante nous montrait, à tous, les lourds inconvénients du procès : attention focalisée, baisse d’acuité dans les pratiques commerciales en corollaire, provisions comptables importantes, etc. Certes, l’avocat –homme avant tout - a toujours une fierté mal placée à faire du rentre-dedans et à gagner son procès, mais il faut apprendre à faire des concessions avec son ego. Négocier, c’est gagner », soutient Hubert Bensoussan.

Difficile d’impliquer les franchisés dans l’évolution du savoir-faire au début des années 90

Lorsqu’il entrera au Collège des Experts de la Fédération Française de la Franchise, Hubert Bensoussan défendra cette position, valorisant l’implication des franchisés.

« Sur le fond, j’ai vite acquis la conviction qu’il fallait responsabiliser les franchisés. A l’époque, ils n’avaient pas un grand droit à la parole. Je me souviens d’un exposé en présence de nombreux franchiseurs où j’ai valorisé l’implication des franchisés, notamment dans l’amélioration du savoir-faire. Qu’avais-je dit ! Je fus mis en cause par nombre de chefs de réseaux qui ne comprenaient pas. Créer des commissions de franchisés pour travailler sur le savoir-faire secret du franchiseur, faire venir le loup dans la bergerie, quelle folie ! Je rends hommage à Chantal Zimmer qui, à l’époque, m’a soutenu en étant convaincue du bien-fondé de cette stratégie. Elle a rappelé que la Fédération était celle de la Franchise, c’est-à-dire des franchiseurs et des franchisés. Les échanges entre franchiseur et franchisés, avec la multiplication des commissions, allaient peu à peu devenir une règle de fonctionnement pour la plupart des réseaux. Le franchiseur doit être sensible à l’intérêt du franchisé. Par exemple, il n’est pas rare qu’un franchisé réussissant durablement s’ennuie dans le réseau. Son implication à diverses tâches d’intérêt général le motive pour y rester. Les commissions de travail, les recherches d’amélioration du savoir-faire sont pour bien des franchisés des sources d’intérêt commun fondamentales. Le franchiseur y trouve son compte car il est non seulement propriétaire du savoir-faire de base, mais aussi de ses évolutions.

L’implication des franchisés au sein des réseaux a largement contribué à la réussite de la franchise d’aujourd’hui. Pour une même activité, les savoir-faire ont gagné en qualité même s’ils ne sont plus originaux. Au-delà du cœur d'activité, le bon franchiseur de demain sera celui qui nouera harmonieusement les meilleurs liens au sein du réseau » confirme Hubert Bensoussan.

Faire confiance à 100% à son avocat ou en changer

Le développement du cabinet en franchise est alors assez rapide, même si les franchiseurs devaient recourir à un avocat mayennais.

« Je commençais à être un excellent client pour la SNCF entre Laval et Paris, de même que pour les sociétés autoroutières car à ce moment, on prenait facilement la voiture. Le nombre de franchiseurs me faisant confiance s’est lentement étoffé jusqu’en 1994. A cette date, je ne pouvais affirmer être spécialiste de la franchise. J’ai alors reçu un appel téléphonique décisif. Il était 18 heures. Le patron d’une multinationale très connue souhaitait me voir dans son bureau parisien à 21 heures au plus tard. J’étais à Château-Gontier. Pas de train. Il fallait espérer qu’il n’y aurait pas de radar non plus. Le client m’avait informé qu’il hésitait entre trois cabinets d’avocats qu’il recevrait. Après un entretien chaleureux, un excellent et long repas, il m’a désigné comme l’avocat du groupe, de deux grands réseaux de franchise. Ce client allait être la source d’un lourd procès contre de très nombreux franchisés. Pour la défense du réseau, j’ai donné des consignes qui n’ont été pas respectées. Le procès fut d’abord perdu. Par un culot que je ne m’explique toujours pas, j’ai indiqué fermement à mon client que je n’accepterais de défendre le dossier en appel qu’à la condition qu’il suive cette fois strictement les consignes stratégiques données. Le client s’est exécuté - on doit faire confiance à 100% à son avocat ou en changer - et le procès a été largement gagné. Cette affaire, avec un certain retentissement dans les médias, n’a pas été neutre sur la notoriété du Cabinet » rappelle Hubert Bensoussan.

Un besoin d’équilibre contractuel

En 1995, Hubert Bensoussan se lance dans l’écriture d’un ouvrage, « Le Droit de la franchise », qui connaîtra un beau succès.

« J’étais régulièrement agacé dans mes recherches car je ne trouvais jamais ce que je cherchais. C’est ainsi que j’ai décidé d’écrire un ouvrage, ce qui me permettrait de m’imprégner on ne peut mieux du système tout en ayant un outil efficace de communication. Ecrire un tel ouvrage, conduit à faire un état des lieux, à y réfléchir et à se demander ce que sera la franchise de demain. C’est un travail lourd dont on garde de belles séquelles à vie. Notamment une connaissance intuitive de la matière. J’avais insisté sur l’équilibre contractuel. Le nouvel article L-442 6 I 2e du code du commerce est venu faire converger de la même manière la protection du consommateur et celle du distributeur en exigeant qu’il n’y ait pas de « déséquilibre significatif » dans les droits et obligations des parties au contrat » souligne Hubert Bensoussan.

100% d’activité en franchise

En 1998, Hubert Bensoussan décide de céder son cabinet mayennais en ne conservant que la partie franchise. Il quitte Château-Gontier pour s’installer principalement à Paris et accessoirement à Nantes.

« Une vraie qualité de spécialiste, où l’on se consacre à 100 % à l’activité considérée, est particulièrement efficace. J’en avais conscience à chaque fois que je prenais connaissance d’un domaine d’activité : immobilier, restauration, aide à la personne, meubles, etc. Il faut connaître au mieux tous ces métiers pour être l’avocat des franchiseurs. Cela permet d’optimiser les stratégies. L’abandon de mon activité mayennaise m’a ouvert la porte à cette connaissance. Il m’a permis aussi un certain recul qui autorise la prospective et la création de solutions spécifiques adaptées à chaque situation particulière. Certes, il est toujours délicat de créer un nouveau concept juridique ou d’autoriser des pratiques nouvelles dans un système de franchise. Toutefois, j’ai fait choix de m’entourer d’universitaires de haut niveau et d’enseignants chercheurs. Il fallait en effet renforcer les compétences techniques de mon cabinet afin d’agir avec sécurité. Enfin, cette période a aussi été marquée par l’arrivée de nombreux succursalistes à la franchise. Il a fallu que nous attirions leur attention sur la nécessité d’occulter totalement tout lien hiérarchique. Cet éclectisme dans les données recueillies à travers notre activité affine l’accomplissement de notre devoir de conseil », précise Hubert Bensoussan.

Vers une homogénéité relative

Hubert Bensoussan estime que le système de franchise est aujourd’hui réellement abouti. Cela n’exclut pas une évolution permanente qu'il essaie toujours d’anticiper.

« Avec le développement des normes de type ISO ou autres, affectées à une activité, les savoir-faire ne sont plus originaux. Si au commencement de la franchise, ils ne concernaient que la technique du métier considéré, ils couvrent aujourd’hui tous les aspects de l’exploitation de l’unité franchisée : marketing, gestion, management, etc… En essayant tous d’optimiser leur fonctionnement, les franchiseurs tendent vers des savoir-faire identiques, de la même manière que l’on fabrique des véhicules modernes qui se ressemblent du fait de process informatiques similaires entre les marques.

Au sein de chaque réseau, c’est volontaire, les franchiseurs prônent l’identité la plus absolue. Mais ce besoin d’identité ne doit pas occulter la soif de découverte du consommateur qui commence à se lasser de la ressemblance entre les réseaux, comme de l’uniformité au sein de chacun d’entre eux, qu’ils soient succursalistes ou franchisés. Les spécificités locales, départementales, communales ou simplement de quartier, doivent être valorisées et prises en compte par le franchiseur. Sous son contrôle, l’unité locale doit contenir une réelle offre régionale. L’enseigne doit rassurer le consommateur sur la qualité des produits ou services, mais aussi satisfaire sa curiosité. Il conviendra donc de relativiser l’homogénéité » explique Hubert Bensoussan.

François Simoneschi

Fiche Technique

Cabinet Bensoussan

Siège : 119 rue de Lille, 75007 Paris

01.47.03.34.09 - cabinet@hubertbensoussan.eu

Ouvrage : "Le droit de la franchise" (éditions Apogée, 1997)