Vendredi 19 avril 2024
L’ENCYCLOPEDIE PRATIQUE DE LA FRANCHISE
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Gilles Boehringer (KFC)

"Agir comme si on était propriétaire du restaurant, ne pas demander à un franchisé ce que l’on ne ferait pas soi-même"

En dix ans, Gilles Boehringer a transformé un réseau, dont le développement avait été laissé en friche malgré un marché prometteur, en l’un des acteurs majeurs de la restauration rapide. Pour opérer cette transformation en qui personne ne croyait au début, cet enfant de la franchise s’est tout autant appuyé sur les principes d’un système de commercialisation fondé sur l’humain que sur la culture de son entreprise d’envergure mondiale.

Tombé tout petit dans la franchise

Gilles Boehringer n’est pas venu par hasard dans la franchise : il est « tombé dedans tout petit », comme il l’a affirmé pour présenter sa candidature au poste d’administrateur de la Fédération Française de la Franchise.
Curieux de nature, altruiste et intéressé par le monde des affaires, il réalise un troisième cycle en ingénierie de la franchise à Strasbourg au début des années 90.

« J’ai d’emblée pensé que la franchise allait m’amener la richesse dans les échanges avec les autres que je recherchais dans mon parcours professionnel. Durant ma formation, j’ai eu l’opportunité d’un stage longue durée avec une enseigne belge, qui a développé une marque de jouets, Christiansen. A mon retour du service militaire, ce franchiseur m’a proposé d’animer la partie française du réseau, qui venait d’être lancée. Face à des entrepreneurs indépendants deux à trois fois plus âgés que moi, et qui doutaient de ma connaissance du métier, je me suis imposé en les écoutant avec mon cœur », souligne Gilles Boehringer.

Ouvrir une boutique ou un restaurant n’est permis que grâce à l’ensemble du collectif

Le développement de Christiansen en France ne prend pas. C’est alors que, par l’intermédiaire de Chantal Zimmer, déléguée générale de la Fédération Française de la Franchise, Gilles Boehringer rencontre en 1993 Francis Lacroix Dubarry, dirigeant de l’enseigne Comtesse Du Barry et petit-fils du fondateur d’une marque centenaire, qui confectionne foies gras, plats cuisinés, terrines confits et distributeur de vins, alcools chocolats et tous produits en épicerie fine.

« Francis Lacroix Dubarry m’a immédiatement emmené au fin fond du Gers afin de visiter l’usine familiale, déguster du foie gras et montrer qu’il fallait prendre du plaisir pour travailler au sein de son entreprise. Comtesse Du Barry était à la fois fabricant et distributeur spécialisé à travers plusieurs canaux – B to B, B to C, Internet, VPC - dont un réseau de boutiques en franchise. L’objectif était de doubler la taille du réseau boutiques tout en structurant une organisation restée très familiale. Francis Lacroix Dubarry m’a énormément appris sur les rapports humains et comment développer un leadership, tandis j’apportais ma technicité sur la franchise.
La capacité à emmener votre équipe avec vous, tout en reconnaissant leurs efforts et leur travail, est essentielle dans le monde professionnel. Dans le groupe Yum !, un manager marque cette reconnaissance en remettant en public son propre Award, c’est-à-dire un objet personnalisant ses principes de management et/ou de vie. Un dirigeant de KFC a par exemple choisi un kangourou, car c’est le seul animal qui ne va jamais en arrière. Un autre, une bouche sur pieds, pour signifier qu’il fallait porter la bonne parole à travers des actions.
Pour ma part, j’ai choisi l'Essai de rugby, pour les valeurs d’humilité et de collectif représentée par ce sport, et parce que pour faire vivre le ballon et marquer, il faut d'abord chercher à l’arracher à l’adversaire puis construire une attaque alliant toute l'équipe, les avants comme les arrières. Marquer un essai, comme ouvrir une boutique ou un restaurant, n’est permis que grâce à l’ensemble du collectif », affirme Gilles Boehringer.

Un segment d’activité prometteur et insuffisamment exploité en France

Fin 2001, Gilles Boehringer est approché par un cabinet de recrutement pour prendre la direction franchise de KFC France, concept de restauration rapide fondé autour des diverses spécialités cuisinées de poulet. Le process de sélection pour ce poste le conduit à rencontrer de nombreuses personnes, jusqu’au patron du groupe Yum ! Restaurants International.
Le réseau KFC en France n’est alors qu’une PME de sept succursales, vivotant sur son marché et n’ouvrant pas de nouveaux restaurants.

« Je quittais une entreprise familiale pour intégrer un groupe international. Je passais de la gastronomie à la restauration rapide, d’un réseau de commerçants avec 2 ou 3 employés à un réseau de manager d’affaires, qui allaient compter jusqu’à 250 salariés sur plusieurs restaurants, avec une structure et des moyens financiers différents. Personne ne croyait alors en notre projet. Le segment d’activité avait pourtant un bel avenir, avec seulement deux opérateurs – Mc Donald’s et Quick – installés en France, et la croissance importante de la restauration hors domicile.
KFC était l’une des enseignes d’un groupe mondial en phase de création, lequel testait le potentiel de marchés nationaux à travers de petites structures dynamiques. Nous avons donc commencé avec un état d’esprit "start up", dans un petit bureau d’affaires implanté dans l’est parisien. Avec mon équipe, nous nous sommes appropriés ce challenge comme s’il s’agissait du développement de notre propre entreprise. Les anglo-saxons disent : « Act as an Owner », c’est-à-dire agir comme si on était propriétaire, ne pas demander à un franchisé ce que l’on ne ferait pas soi-même.
KFC a accepté pendant huit années de perdre de l’argent avant d’en gagner. Cinq cents millions de dollars seront investis et près de 7000 emplois créés. Le réseau compte aujourd’hui 146 restaurants. Il est passé de 18 à près de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires sur le territoire français », explique Gilles Boehringer.

KFC est même devenu le premier employeur étranger créateur d’emplois directs en France, auxquels il faut ajouter, nombre d'emplois indirects : atelier de découpe spécifique chez Doux (fournisseur de poulets), la réalisation des structures ossatures bois des restaurants à Gérardmer, plateforme de logistique pour la livraison des unités chez STEF-TFE…

Une écoute « 5 oreilles »

Ce déploiement sur le territoire français, dont l’enseigne KFC souhaite doubler le nombre de points de vente d’ici cinq ans, s’est effectué en respectant les principes d’un système de commercialisation fondé sur l’humain.

« En franchise, état d’esprit et confiance sont essentiels. Notamment pour franchir des caps difficiles, car il y en aura toujours dans une relation de 20 années. Dans le cas contraire, la qualité d’échanges entre franchiseur et franchisés peut rapidement dégénérer dans un réseau. Etat d’esprit et confiance doivent s’installer dès le recrutement des franchisés, en adoptant réciproquement une écoute « 5 oreilles ».
Si l’on écoute d’une oreille, on ne regarde pas son interlocuteur ; de deux oreilles, on écoute à moitié en regardant parfois ailleurs ; de trois oreilles on regarde son interlocuteur mais l’esprit est visiblement ailleurs ; de quatre oreilles, on est 100% avec l’autre à travers le regard et l’esprit, mais on ne se met pas à sa place ; de 5 oreilles, on raisonne en prenant en compte les choix et envies de l’autre.

Face à un candidat entrepreneur, qui met en jeu son investissement et sa vie, si le franchiseur n’y met pas aussi son cœur et sa passion, il loupe quelque chose pour établir la confiance. Il faudra maintenir cette qualité de proximité et de dialogue tout au long du contrat, y compris durant les périodes de tension.
S’il y a un doute sur la transparence dans la relation, la confiance devient méfiance, puis défiance. C’est pourquoi, par exemple, le candidat entrepreneur doit venir avec des questions, même suscitées par des avocats spécialisés dans la défense des franchisés. On lui expliquera notamment le pourquoi de chacune des clauses de son contrat. Si, dans le courant de la relation commerciale, le franchisé est amené à faire référence au contrat, c’est qu’il y a un problème sérieux dans l’échange que nous n’avons pas su détecté en amont.
Dans la sélection de nos partenaires entrepreneurs, aucun compromis n’est possible, car nous les mettons potentiellement dans une situation d’échec, avec des conséquences dommageables et dramatiques pour une personne qui a investi toutes ses économies dans un projet, et nous plaçons aussi le réseau dans une situation plus à risque. Recruter, c’est tout, sauf un acte technique !

Le franchisé s’adosse à un franchiseur qui a acquis de l’expérience à travers ses propres erreurs. Le franchiseur sélectionne des franchisés qui vont partager leurs expériences. Pour faire appliquer le savoir-faire, il faut consacrer du temps au savoir-être, qui est le fondement de la réussite et de la pérennité d’un réseau.
Je suis devenu, en 2011, administrateur à la Fédération Française de la Franchise. Pour un enfant de la franchise, c’était naturel de rendre ce que l’on lui avait donné, et de pouvoir contribuer à aider les jeunes réseaux ou les franchiseurs en recherche de savoir-faire. Ma façon de le faire est d’animer le « comité de dialogue » de la FFF qui regroupe franchiseurs et franchisés souhaitant échanger et débattre sur des thèmes clés de la vie en réseau. Cela débouche sur des notes de bonnes pratiques, qui serviront de recommandation aux réseaux », insiste Gilles Boehringer.

Evolution du concept américain par l’équipe française reprise sur d’autres marchés

Au sein d’un système de partenariat en franchise totale structuré pour le monde entier et les 38 000 restaurants du groupe YUM !, Gilles Boehringer a réussi à obtenir des évolutions adaptées aux particularités françaises, reprises par la suite dans le groupe sur d'autres marchés.

« L’élément dont je suis le plus fier est d’avoir créé un système qui n’existait pas au sein de notre groupe mondial : une pépinière interne d’entrepreneurs, ouverte à nos salariés qui ont réussi et n’ont pas les moyens financiers d’ouvrir leur propre restaurant. Ceux-ci possèdent les valeurs et la culture de notre entreprise, ont prouvé leur adhésion à l’enseigne et sont au terme de leur parcours d'employé.
Le franchiseur va les accompagner et les aider à réaliser leur rêve de devenir dirigeant de PME. Aujourd’hui, 7 franchisés sur les 36 du réseau KFC sont issus de cette pépinière interne. Nous avons aussi imposé un modèle contractuel nouveau pour notre groupe : la location-gérance. D’autre part, nous avons fait évoluer le concept américain pour l’adapter aux nouvelles exigences du consommateur, en termes de recettes, de gamme produits, de goût ou d’espace de consommation : poulet grillé, repas complet, large gamme de desserts, nouvelle architecture et design contemporain de nos bâtiments….
Nous travaillons déjà sur la 4e génération de concept de restaurant en 10 ans. Un produit sur deux vendu en restaurant est issu d'innovations locales. Notre pays continue d’être un laboratoire », confirme Gilles Boehringer, nommé vice-président Développement & Franchise France, Espagne, Benelux pour KFC.

Selon Gilles Boehringer, la clé du succès de KFC en France repose sur les équipes et la capacité de l'entreprise à attirer, recruter, former puis développer de nouveaux talents.

"People First : cette expression reflète la philosophie de l’enseigne : penser à ses équipes d’abord, les résultats suivront. Pour maintenir une croissance annuelle de 30 à 50% durant 10 ans, il est indispensable d'avoir de bonnes et solides fondations, quitte parfois à démolir pour reconstruire sans simplement colmater les brèches.
Dans les personnes que nous recrutons, nous ne voyons pas simplement une somme de connaissances ou d'expertise - bref, une étiquette ou un diplôme - mais avant tout une personnalité avec des qualités et du talent qui pourront grandir et s'affirmer dans le réseau au sein des équipes », ajoute-t-il.

Gilles Boehringer en 5 grandes dates

  • 1991 : Intègre comme animateur réseau la franchise belge de boutiques de jouets CHRISTIAENSEN qui se lance en France
  • 1993 : Devient responsable animation et développement du réseau de franchise et de succursales Comtesse Du Barry
  • 2002 : Devient directeur Franchise de KFC France, un réseau qui compte alors 7 restaurants sur le territoire national
  • 2010 : Est nommé Vice Président Développement & Franchise de KFC et crée une pépinière d’entrepreneurs issus des salariés interne de KFC, un modèle inédit dans le groupe Yum ! d’envergure mondiale
  • 2012 : KFC a investi en 11 années en France un demi-milliard de dollars, et créé 7000 emplois direct. L'enseigne compte près de 150 restaurants.


Fiche Technique

KFC (Kentucky Fried Chicken)

Poste : Vice Président Développement & Franchise KFC France, Espagne & Benelux

Création de l’entreprise : 1939 aux Etats-Unis

Première implantation en France : 1991

Réseau : 146 restaurants, dont la moitié en franchise

Siège : Cœur Défense Tour B - 100, Esplanade du Général de Gaulle - 92932 PARIS La Défense CEDEX

Contact : 01.84.11.00.15 / http://www.kfc.fr

L’enseigne est adhérente de la Fédération Française de la Franchise. Le groupe Yum !, qui détient KFC, compte 38 000 restaurants dans le monde à travers ses enseignes KFC, Pizza Hut et Taco Bell.