Mardi 19 mars 2024
L’ENCYCLOPEDIE PRATIQUE DE LA FRANCHISE
foule de franchisés


 > Etre franchisé > Gérer le renouvellement ou la fin de contrat
leçon
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Comment céder son point de vente dans les meilleures conditions ?



Dans le cadre de la représentation de son concept, le franchiseur doit maîtriser dans quelles conditions une unité du réseau sera cédée, sans pour autant que les droits du franchisé soient spoliés. Pour autant, le fait d'être lié par un contrat de franchise, très contraignant, n'est pas nécessairement un avantage pour le franchisé lors de la cession d’un fonds de commerce.

Le franchisé cédant peut proposer un prix et des conditions de cession, voire un candidat à la reprise, et le franchiseur peut préempter et ainsi conserver les points de vente les plus performants en lui substituant un candidat à la franchise ou la gestion d’une succursale.

Logiquement, le contrat de franchise prévoit la cession du point de vente sans laisser de zones d’ombre.

« Les intérêts des deux parties doivent être préservés par des clauses dont les mécanismes sont identifiés et validés par la jurisprudence : droit de préférence ou préemption, droit d’agrément. Dans le cadre de la représentation de son concept, le franchiseur doit maîtriser dans quelles conditions une unité du réseau sera cédée, sans pour autant que les droits du franchisé soient spoliés. Il intervient comme un agent d’affaire entre un cédant, dont la motivation est déclinante, et un repreneur, qui a envie de mettre toute son énergie dans le point de vente.
Il est en situation d’arbitre, et les trois personnes impliquées peuvent perdre dans une opération qui ne se déroule pas forcément de manière conflictuelle. Le franchisé cédant peut proposer un prix et des conditions de cession, voire un candidat à la reprise, tandis que le franchiseur peut faire jouer son droit de préemption et ainsi conserver les points de vente les plus performants en lui substituant un candidat à la franchise ou la gestion d’une succursale.
Pour le montant du fonds de commerce, des modalités d’estimation peuvent être prévues par contrat, jusqu’à faire désigner un expert judiciaire. Le fonds de commerce est un outil dynamique dont la valeur évolue en fonction de la performance du commerçant franchisé et de la notoriété prise par le réseau. Il est préférable de vendre en cours de contrat, en respectant certaines procédures, car la clientèle du lieu est déjà acquise », explique Marc Lanciaux, fondateur du cabinet Lanciaux.

Le franchisé peut aussi vendre son fonds de commerce sans enseigne, avec pour limitation les conditions de son bail.

Ni l’enseigne, qui appartient au franchiseur, ni le contrat ne sont cessibles par le franchisé cédant.

« Si le point de vente est cédé au sein même du réseau, le franchisé repreneur doit être agréé par le franchiseur. Il signe alors un nouveau contrat de franchise, paie un droit d’entrée et suit une formation initiale. Le franchiseur doit invoquer un « juste motif » pour refuser les candidats à la reprise proposés par le franchisé cédant, au risque de se voir opposer un « abus de droit ». Autre solution : au terme de son contrat, le franchisé cédant est aussi libre de poursuivre une activité sans demeurer dans l’enseigne, en respectant les clauses post-contractuelles de non-concurrence inscrites dans son contrat, reconnues valable durant un an à certaines conditions protégeant les intérêts légitimes du franchiseur. S’il y a changement d’activité, il peut devoir payer des indemnités de déspécialisation liées à son bail », expose Hélène Helwaser, fondatrice du cabinet Helwaser.

En cas de volonté de céder, le franchisé doit s’en ouvrir au franchiseur.

« Le franchiseur se met alors en recherche d’un candidat repreneur. Le franchisé cédant doit avoir travaillé le développement de son affaire autour de la marque, et non de sa personnalité, car c’est ce qui donne de la valeur à son fonds de commerce pour le franchiseur et le futur repreneur. Il doit également fournir un accompagnement de plusieurs mois au repreneur, afin de réaliser la transition avec les clients et le personnel du point de vente, encore attachés à son relationnel. Dans notre réseau, nous favorisons les possibilités de reprise par d’autres franchisés, notamment limitrophes, voire avec les anciens collaborateurs ou les enfants afin que les transmissions s’effectuent en douceur », relève Guillaume Exbrayat, président de Diagamter.

« Une cession de point de vente s’anticipe, on ne met personne devant le fait accompli. La création de richesse est souvent un motif d’adhésion à une enseigne. La cession peut aussi dévoiler une motivation à un renouvellement du contrat et une valorisation du fonds de commerce », souligne Alexandra Robert, directrice associée de ResoAgency (cabinet de conseil aux réseaux).

Le fait d'être lié par un contrat de franchise, très contraignant, n'est pas nécessairement un avantage pour le franchisé lors de la cession d’un fonds de commerce. D’où la nécessité de gagner de l’argent sur l’exploitation de l’unité, sans miser sur une plus-value lors de la vente ou une quelconque capitalisation.

Dans la cession d’un point de vente franchisé, certaines erreurs de raisonnement peuvent aboutir à de lourdes désillusions.

« Le système de la franchise est onéreux : droit d'entrée, emplacement numéro 1, redevances, agencement spécifique, etc. Or, la valeur d'un fonds de commerce n’est pas corrélée au montant des investissements réalisés. Elle se calcule en principe en fonction de la rentabilité du fonds, c’est-à-dire du chiffre d’affaires et du résultat, lesquels sont indépendants des investissements réalisés. Il arrive donc fréquemment qu'un commerçant soit contraint de céder un fonds à un prix inférieur à celui de son acquisition et ce alors qu'il a effectué des travaux d'aménagement ou d'agencement couteux », détaille Monique Ben Soussen, fondatrice du cabinet Ben Soussen.

Si la cession a lieu en cours de contrat, le commerçant franchisé a plusieurs contraintes.

« Il ne peut rompre librement son contrat de franchise, à durée déterminée. Il ne peut donc céder son fonds qu'avec l'enseigne du réseau auquel il a adhéré et impérativement obtenir l'accord du franchiseur sur une rupture anticipée. Il doit ensuite obtenir l'agrément du franchiseur sur la personne du repreneur. Il est fort possible que le franchiseur réclame au nouveau franchisé un droit d'entrée qui sera pris en compte pour la fixation du prix de vente. Il est également fréquent que les franchiseurs interviennent au niveau de la fixation du prix de cession : ils ont alors tendance à privilégier l'acquéreur dans la mesure où celui ci représente pour eux l'avenir.

A l'expiration du contrat, le franchisé cédant aura en principe une plus grande marge de manœuvre puisqu'il n’a pas besoin de passer par les fourches caudines du franchiseur. Par contre, l'acquéreur pourrait être craintif à l'idée de reprendre un fonds dont l'enseigne devra être modifiée, un changement perturbant les consommateurs. Il est alors possible que le fait de céder sans l'enseigne précédemment exploitée ait un impact négatif sur le prix de cession. Il y a toutefois un cas exceptionnel : un fonds de commerce extrêmement bien situé, la seule localisation géographique permettant de déterminer le prix. L'acquéreur achète alors un emplacement, et non pas une activité. Dans cette hypothèse, le franchisé a de la chance car le prix de cession ne dépend pas du tout de la bonne ou mauvaise volonté du franchiseur. Comme on le constate, le fait d'être lié par un contrat de franchise n'est pas nécessairement un avantage lors de la revente, loin s'en faut.

Ce contrat, très contraignant, peut même être un handicap. Les commerçants franchisés doivent donc savoir et ne jamais oublier qu'ils doivent gagner de l'argent sur l'activité elle-même. Ils ne doivent pas miser sur la vente du fonds pour faire une plus value ou capitaliser d'une façon ou d'une autre », insiste Monique Ben Soussen.

François Simoneschi, rédacteur en chef de La Référence Franchise

CONSEIL D'EXPERT

Olga Romulus (Fiducial)

« Une méthode d’évaluation de l’affaire fondée sur sa rentabilité »

« Dans une cession de point de vente, on peut céder l’immobilier ou le fonds de commerce, voire les deux. Pour l’immobilier, il est souhaitable de faire appel à des agences spécialisées pour l’évaluation des murs commerciaux. L’expert-comptable lui sera plus à même de proposer une valorisation objective du fonds de commerce. En effet le prix d’une vente de fonds répond à beaucoup d’usages, dont celui consistant à prendre un certain pourcentage du chiffre d’affaires TTC qui varie selon les métiers et l’observation des transactions réalisées mais majoritairement parisiennes, donc plutôt hautes en termes de valeur.

Or, il existe d’autres méthodes, davantage fondées sur la rentabilité de l’affaire. Plusieurs aspects sont à prendre en compte, une vente s’anticipant au minimum six mois à un an à l’avance. Il faut d’abord établir un diagnostic commercial : marché, zone de chalandise, état de la concurrence - active, passive ou agressive - et niveau d’attachement de la clientèle.

Ensuite, un diagnostic humain : degré d’adhésion des salariés au projet, personnel-clé – savoir-faire, relation exceptionnelle avec clientèle -, litiges en cours – prud’hommes -, etc. Autre bilan à ne pas sous-estimer : l’aspect juridique, comme la durée restante sur le bail commercial et les contraintes éventuelles sur l’activité, ou encore les clauses de préemption et d’agrément du franchiseur.

Enfin, il y a l’analyse de l’outil de travail : vétusté, mise aux normes – en particulier en vue de l’accessibilité des PMR – investissement nécessaire – notamment en cas de changement de concept dans l’enseigne. On peut alors aborder le volet financier, et faire une « analyse de dépollution ». On étudie dans le détail ce qui fait la rentabilité effective du point de vente. Par exemple, le revenu du dirigeant, est-il réellement à la hauteur de son travail dans l’entreprise ? Est-il versé sous forme de salaire ou de dividende ? Le loyer est-il conforme au marché ou bénéficie-t-il d’avantages car les murs appartiennent à la famille ? Sur la base de la rentabilité de l’entreprise, on va ainsi définir son excédent brut d’exploitation, c’est-à-dire la richesse créée par l’entreprise, et estimer le nombre d’années où ce résultat sera reconductible dans des conditions identiques. C’est la mathématique qui conduit à l’évaluation du point de vente. Celle-ci ne fera pas le prix final, mais sera une base de discussion argumentée et fondée pour le montant du rachat. »

S'IL NE FALLAIT
RETENIR
QUE 3 CHOSES
leçon n°34
  • Le franchisé cédant peut proposer un prix et des conditions de cession, voire un candidat à la reprise, tandis que le franchiseur peut faire jouer son droit de préemption et ainsi conserver les points de vente les plus performants en lui substituant un candidat à la franchise ou la gestion d’une succursale. Pour le montant du fonds de commerce, des modalités d’estimation peuvent être prévues par contrat, jusqu’à faire désigner un expert judiciaire.
  • Si le point de vente est cédé au sein même du réseau, le franchisé repreneur doit être agréé par le franchiseur. Il signe alors un nouveau contrat de franchise, paie un droit d’entrée et suit une formation initiale. Le franchiseur doit invoquer un « juste motif » pour refuser les candidats à la reprise proposés par le franchisé cédant, au risque de se voir opposer un « abus de droit ».
  • Mieux vaut détenir un fonds de commerce extrêmement bien situé. L'acquéreur achète alors un emplacement, et non pas une activité. Dans cette hypothèse, le prix de cession ne dépend pas du tout de la bonne ou mauvaise volonté du franchiseur.