Etre avenant avec la clientèle, percevoir les éléments à corriger dans une vente, choisir un emplacement en fonction du drainage de ses consommateurs potentiels… le sens du commerce ne s’improvise pas. Ni ne s’apprend, même par des réseaux de franchise expérimentés.
« La franchise engendre une formation intégrale à un savoir-faire. Il faut donc que les candidats soient aptes à être formés. Le management et la gestion s’apprennent. C’est plus dur pour la vente. Le commerce moderne est complètement guidé par des facteurs de différenciation – prix, qualité, service, idée originale… - et s’appuie sur des techniques de vente performantes. L’acte de vente reste une affaire essentiellement humaine. Celui qui n’est décidément pas commerçant doit rester dans l’arrière-boutique si la taille de l’unité franchisée le lui permet. Le savoir-faire organisationnel du franchiseur peut lui constituer une équipe gagnante en comblant ses lacunes. Mais ce genre d’intervention n’est pas applicable aux micro-franchises, car il faut avoir les moyens de recruter. Aussi, le casting du franchiseur est-il essentiel. Ce dernier doit vérifier le sens du commerce du candidat, lequel de son côté doit être transparent sur ses qualités et défauts », explique Hubert Bensoussan, fondateur du cabinet d’avocats Bensoussan.
Le sens du commerce reste une aptitude extrêmement difficile à déterminer, même par des recruteurs expérimentés. Le meilleur gestionnaire ou technicien du monde, si il n’a pas de clients, ne fera pas durer son exploitation.
Autant le franchiseur peut apporter des outils de gestion, de technique ou de management à un candidat franchisé, autant si le sens du commerce n’est pas présent, le franchiseur sera impuissant à faire réussir le franchisé.
« Plus l’on fera connaissance avec un candidat à la franchise au cours du parcours de sélection mutuelle, plus il sera difficile de lui refuser d’intégrer le réseau en tant que franchisé. Et plus le candidat ressentira de la frustration, malgré les raisons objectives données par le franchiseur. On essaie bien de détecter le sens du commerce, mais les signaux négatifs n’apparaissent parfois qu’au moment de la formation initiale. On peut juste affirmer qu’un commercial est généralement plutôt extraverti et rarement un introverti. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui plusieurs outils de casting des candidats ont été mis au point pour sécuriser au maximum le recrutement. Car si le candidat franchisé veut légitimement optimiser ses chances de réussir, le franchiseur sait qu’un candidat mal recruté coûte plus cher que ce qu’il ne rapporte », note Jean-Michel Illien, président-fondateur de Franchise Management.
Parfois, seul le démarrage de l’activité franchisée est l’épreuve de vérité pour le sens du commerce.
Un candidat à la franchise peut évaluer de différentes façons son potentiel de commerçant.
« Déjà, en demandant à son entourage s’il l’imagine en train de vendre, d’autant plus si ces personnes ont déjà travaillé dans le commerce. Il existe des tests comportementaux ciblés et reconnus, proposés lors du recrutement par le franchiseur. Les réseaux réalisent également des mises en situation aux différents postes d’une unité franchisée lors de journées de découverte de l’activité », propose Julien Vitali, responsable du pôle franchise et commerce associé de la Caisse d’Epargne.
Ces journées de découverte sont aussi l’occasion de se renseigner sur les défauts et contraintes d’un métier.
Enfin, « en postulant à des enseignes que l’on sait exigeantes sur la qualité d’être commerçant ou en quête de commerciaux aguerris, le candidat se fera une très bonne idée de son sens du commerce, affirme Laurent Delafontaine, cofondateur du cabinet de conseil Axe Réseaux.
Il existe de vraies différences entre un commerçant (plutôt passif dans l’acte face au client) et un commercial (plutôt actif).
« Le commercial décide qui sera son client et comment l’aborder, sur un territoire qui n’est pas le sien. Il mettra plus d’affect dans cette relation. Tandis que le commerçant subit le client, il ne le choisit pas. Il montrera alors plus d’empathie, d’écoute », prévient Julien Vitali.
« Cela ne doit pas empêcher tout commerçant d’avoir une démarche proactive de commercial sur sa zone de chalandise, afin de faire connaître son commerce en dehors de son magasin », ajoute Camille Huyghues Despointes, présidente du réseau Viens jouer à la maison.
François SIMONESCHI
Rédacteur en chef La Référence Franchise
Auteur du « Guide complet de la franchise 2012 » (éditions L’Express)
Cyrille Laborde, responsable du développement du réseau franchise Ucar
« Le commerce est une affaire d’humilité »
« Lorsque l’on veut devenir entrepreneur franchisé, l’humilité joue un rôle extrêmement important. Il faut repartir de zéro, faire le deuil de sa précédente activité – notamment si l’on était salarié -, apprendre un nouveau métier et ne commencer à utiliser ses précédents acquis professionnels qu’après un an d’ouverture, même si ce délai dépend de l’individu.
L’humilité se démontre également dans la façon de commercer, où il faut donner confiance au client. Le franchisé doit être capable de laver une voiture en arrivant à 8 heures à son agence. Il doit également savoir sortir de son point de vente, rencontrer des acteurs locaux, faire du lobbying… Ce sont des situations essentielles dans lesquelles j’essaie d’imaginer un candidat à la franchise lorsque je le rencontre, pour déterminer s’il a le sens du commerce. »